Le Président Ghanéen, Nana Akufo-Addo l'a prononcé lors de son discours au cours de la conférence sur l'Éducation en Afrique (Dakar, février 2018). L'Afrique doit prendre son destin en main, un destin choisi et non subi, un destin indépendant de notre mode de gouvernance actuel, motivé par des impératifs politiques et géostratégiques. Et c'est par ses propres mots que nous allons poursuivre : «...nous avons la population la plus jeune sur la planète, dans le continent le plus riche mais vivant dans les conditions les pires dans le monde, et ce paradoxe doit être démantelé par l'éducation". "...si nous voulons lutter pour l'éducation du continent nous devons chercher les financement chez nous pas ailleurs, en commençant par la fuite des capitaux qui représente 50 milliards de dollars par an" Nana Akufo-Addo» ( Nigerdiaspora, Discours mémorable du président du Ghana à Dakar lors de la conférence sur l'Éducation en Afrique (Vidéo)
Le Président Nana Akufo-Addo ayant convaincu l'ensemble de son auditoire avec ce discours politiquement incorrect (sur la fuite des capitaux), il semble de plus en plus évident que l'un des freins au développement des territoires africains soit la fuite des capitaux. Naissant avec les indépendances des pays africains, la fuite des capitaux a aussi évolué avec la maturité (très lente) des peuples qui les composent. Cette fuite qui va de l'amputation d'une petite somme des caisses de l'état pour subvenir à ses propres besoins à la détention de comptes en Suisse, en passant par l'usage abusif des avantages liés à la fonction publique (tickets de carburant plus qu'il n'en faut, exploitation personnelle des voitures de fonction, jusqu'à la construction des villas luxueuses). Dans cette spirale économiquement destructrice, il n'est pas étonnant de voir les capitales africaines se transformer en énormes bidons villes, attirant tout le pays. Au sein de ces derniers existent deux catégories de citoyens : d'un coté les auto-héritiers d'une énorme part du Produit Intérieur Brut (PIB) grâce à une mascarade présentielle sur la scène politico-économique du pays, au nom de la démocratie et du bien-être de la nation et les enfants de l'exode rurale, souvent emprisonnés dans le ghetto de la pauvreté, des perspectives réduites et d'un avenir quasiment réduit à l'échec social, sur plusieurs générations.
Face à ce phénomène d'enrichissement irrationnel d'un groupuscule de la population. au détriment de l'indépendance socio-économique confisquée de la majorité, (grâce au détournement des richesses par des manières les plus sournoises et malhonnêtes), nous allons nous intéresser au cas du Mali, sous l’œil du cyclone médiatique, politique et géostratégique que sont les élections présidentielles de 2018 : Dans ce processus de réflexion, Modibo Diakité, Avocat à la cours et fin connaisseur de la situation malienne, sera notre interlocuteur.
Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs, s'il vous plait?
Je m'appelle Modibo Diakité, Avocat au Barreau depuis 1998 et aussi membre d'Avocats Sans Frontières (ASF France). J'ai exercé la profession de Magistrat à Bamako au cours de la période allant de 1977 à 1998 (soit plus de 20 ans). Durant mes fonctions, j'ai également été en position de détachement auprès du Ministère en charge de la Défense comme Conseiller Technique (pour 4 Ministres successifs) et Chargé de Mission pour la mise en place de la justice Militaire. Je suis actuellement vice président de l'URP (l'Union des Patriotes pour la République) et Président de l'association NEPAD Mali.
Ayant évolué dans le secteur public, privé et associatif, je n’ai pas qu’une approche théorique de cet ensemble institutionnel qui constitue le socle économique de notre pays.
Que pensez-vous de la situation actuelle du Mali en matière de gouvernance?
Conscient de la richesse ainsi que du potentiel démocratique, économique et associatif du Mali, je suis animé par un immense optimisme sur la portée favorable de nos efforts combinés, pour solutionner les problèmes de la société malienne, lesquels nécessitent un plan d’action urgent et stratégique.
Il est indéniable que le Mali a connu, depuis 2013 (lors de sa sortie partielle de crise) des résultats macroéconomiques encourageants. Mais, paradoxalement, le citoyen lambda souffre.
À quoi est due cette souffrance du citoyen?
Elle est due à un problème de gouvernance politique, économique et éducatif. La richesse produite au niveau macroéconomique, combinée aux diverses aides internationales, l'envoi des richesses de la part de la diaspora, l’hébergement des nouveaux investisseurs et/ou entreprises étrangères ainsi que les actions organisées et coordonnées des Organisations Non Gouvernementales (ONG), tous ces secteurs lorsqu'ils sont associés les uns aux autres, ne peuvent pas donné un résultat si médiocre sur la qualité de vie des maliens qui se dégrade de jour en jour : il y a forcement un hic dans ce processus, malheureusement, cet hic est la corruption qui empêche une circulation vertueuse de l'argent, synonyme de pouvoir d'achat mais aussi de capital à investir ou réinvestir dans le secteur privé, moteur par excellence de l'économie d'un pays.
Quelles sont les conséquences de cette crise ?
Elles sont multiples, il y a notamment :
- la course effrénée vers l'argent, quelque soit le moyen,
- la petite corruption entraînant vers la grande qui se manifeste, entre autre, par le trafic d'influence, la spéculation foncière au niveau des maires et des députes,
- la culture de l'argent sale à tous les niveaux et dans tous les domaines (éducation, santé, sécurité, justice),
- la perte des repères, poussant tout le monde à vouloir s'enrichir avant tout et tout de suite.
Les conséquences de la corruption touchent bel et bien nos valeurs morales, citoyennes et patriotiques. Apres 50 ans d'indépendance il est flagrant de voir que le policier, le gendarme, le député, le magistrat, le douanier , jusqu'aux célébrités refusent de dédouaner leurs véhicules, le macaron, le ceinturon, le béret, l'écharpe (du député) ou le nom de scène sur la plaque (de la célébrité) servant de passe-droit.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce quinquennat qui arrive à sa fin?
Le Président a fait de très grandes réalisations mais le grand problème de ce quinquennat c'est la corruption qui a atteint un seuil intolérable. Les véhicules de l'état sont utilises les weekend pour les virées champêtres. Le Président, seul ne peut pas tout régler. Il ne peut juger à la place du juge, pas plus qu'il ne peut réguler à la place du policier qui prend illégalement de l'argent avec l'usager sur son trajet quotidien. Bamako s'étend considérablement sous le poids des constructions qui provoquent l'étalement urbain, la destruction des habitats et des écosystèmes naturels capables de repousser la pollution. Un objectif qui doit être au cœur de la politique d'urbanisme des communes, dont les habitants se voient spolier le moindre lopin de terre au profit des desseins personnels. Redessiner le visage des quartiers et des communes doit être au cœur de nos priorités pour lutter contre le manque d'hygiène (fréquence des eaux usées, nécessité de dallage des rues, etc) voire contre le chômage. Enfin Bamako manque cruellement d’espace vert qui doit existé dans chaque quartier et je pèse mes mots sur ce point précis.
Quelle perception avez-vous d'un Mali prospère?
Le Mali prospère n'est pas l'apanage d'une seule personne mais du génie de tout un peuple. Ainsi je reste prudent quant à cette énorme responsabilité qui est impossible à porter tout seul. Néanmoins, il convient de partir sur quelques pistes de réflexion.
Ayant été au service de l'Etat, je pense que la lutte contre la corruption commence par une modernisation de la fonction publique : la modernisation sous-entend une remise en question des anciennes pratiques pour l’élaboration d'un système (des valeurs) plus adéquat au contexte de mondialisation actuelle. C'est à l’affût de ce changement inexorable que j'ai décidé de quitter la fonction publique après 20 ans de service en tant que Conseiller Technique (d'un département ministériel). Les raisons tiennent au fait que je voulais :
- mieux gagner ma vie (car mon salaire net équivalait à moins de 200 000 Fcfa sois moins de 300 euros), car le problème de la corruption tient souvent, à ce sentiment frustrant de servir son pays sans avoir la contrepartie financière équivalente à la charge du travail,
- miser sur l’initiative privée qui procure plus de satisfaction et d’épanouissement et je pense que l'avenir de notre nation en dépend grandement. Je suis très heureux de voir un engagement plus prononcé de la jeune génération vis-à-vis de l'aventure entrepreneuriale.
- Apprendre à ne pas m'enfermer dans un secteur, car il n'y a rien de pire pour l'intellect et la créativité que de subir la monotonie professionnelle.
Quelles sont vos propositions pour l'avenir?
Nous avons besoin d'un Etat fort, qui met tout en oeuvre pour lutter contre ce fléau. C'est la seule solution pour mettre le pays sur la bonne voie. Pour ce faire, je préconise :
- la création d'un Ministère pour la lutte contre la corruption,
- la mise en place d'une équipe gouvernementale avec au maximum 20 Ministres,
- la suppression des Directions Administratives et Financières (DAF) au niveau des ministères, avec la création d'une Direction Administrative et Financière Centrale pour tous les ministères, hors mis la Présidence, la Primature et les ministères de souveraineté,
- la mise en place d'un numéro vert à la disposition des citoyens qui pourront signaler tout cas de corruption. Ce dispositif est à l'état expérimentale au Burkina Faso.
Au risque de me répéter le problème du Mali est un problème de gouvernance et de lutte contre la corruption qui gangrène l'état et la société. Je souhaite ardemment que le nouveau Président fasse de la lutte contre la corruption sa priorité.
Soumaïla Kotié Diakité
Rédacteur en chef chez www.arcareconcept.com
Social Média Manager chez Concept 4'part
Diplômé en Master des Projets Numériques (Université Toulouse II)
Master Administration Générale et Territoriale (Université de Limoges)
Votre Start-up de Communication
Téléphone : 06 65 57 09 87
E-mail : soumaila.diakite@gmail.com
Modibo Diakité
Avocat à la cours
Fondateur du Cabinet d'Avocat - Etude Rokiatou
Téléphone : 00223 66 71 25 82
lien bibliographique : https://nigerdiaspora.net/index.php/l-actu-africaine/3140-discours-memorable-du-president-du-ghana-a-dakar-lors-de-la-conference-sur-l-education-en-afrique-video