À l'instar des Cop 21 (organisée à Paris en 2015) et 22 (tenue à Marrakech en 2016), de nombreux acteurs engagés lancent l'alerte, à travers des actions de sensibilisation, sur la limite de notre planète ainsi que les dangers sur nos modes de consommations actuelles. Le domaine vestimentaire qui nous intéresse particulièrement ici, révèle des chiffres alarmants : la Radio Télévision Suisse (RTS) évoque dans une émission audio réalisée en mai 2017, que « 30% des vêtements des Suisses restent dans leurs armoires et ne sont jamais portés. Il s’agit du chiffre avancé par l’association Fair’act, une association qui a lancé début mars 2017 sa plateforme web pour une mode éthique.» (RTS sur le gaspillage vestimentaire, 2017). Ce chiffre n'est pas loin de nos habitudes en France, voire en Europe.
Loin de parler à un auditoire sourd, les conscients se réveillent au niveau local et international. Des initiatives innovantes et eco-responsables voient le jour dans de nombreux domaines : nous pouvons citer des exemples notoires comme Airbnb le géant mondial de la location immobilière entre les particuliers, Bla Bla Car (dans le domaine du transport sur longue distance, à moindre pollution et pas cher), Heetch l'application de transport social à l’échelle urbaine.
C'est dans cette lancée innovante, collaborative, eco-responsable (pour une mode éthique) et audacieuse que Star Trok fut créée : ce concept qui redonne une seconde vie aux vêtements, permet à tout un chacun de s'habiller à la fois chic et pas cher. Dans une ambiance d’interaction (à l'image des réseaux sociaux), elle nous permet d'adopter une attitude eco-responsable face à la surconsommation des vêtements dont nous n'avons pas besoin.
Ne Ka Arcare, à l’affût des innovations numériques, vous rapporte l'entrevue avec Guillaume Graciano, co-fondateur de ce concept qui crée des alternatives à la Fast Fashion, signifiant la mode du prêt-à-jeter qui est très nocive pour l'environnement. Il a ainsi accepté de répondre à nos questions sur Star Trok, ses projets dans les années à venir et son expérience dans le domaine de l'entrepreneuriat.
1. Pouvez-vous vous présenter à nos chers lectrices et lecteurs s'il vous plaît ?
Je m’appelle Guillaume, j’ai 33 ans, je vis à Limoges et je suis le co-fondateur de Star Trok, une plateforme solidaire et collaborative de troc de vêtements. L’objectif est de limiter certaines problématiques du monde d’aujourd’hui en proposant des solutions gratuites et éco-responsables.
2. Si vous deviez vous définir en 3 mots, que choisiriez-vous de nous dire et pourquoi ces qualités ?
Si je devais énoncer les 3 premiers mots qui me viennent à l'esprit quand je pense à moi, certains ne seraient pas forcément des qualités ! Mais s’il faut évoquer des qualités qui ont été déterminantes dans le développement de Star Trok, je dirais que je suis rêveur, ambitieux et audacieux. Sky is the limit !
3. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Je n’ai, dans mon cursus, rien avoir avec l’économie sociale et solidaire, même si c’est dans cette dimension qu’œuvre Star Trok aujourd’hui. Suite à un BAC scientifique et une Licence dans les Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS), je me suis ré-orienté vers une carrière dans le social. J’ai ainsi obtenu à Toulouse mon DE (Diplôme d'État) d’éducateur spécialisé, un métier que j’exerce depuis 2009.
4. Comment est née l'idée de Star Trok ?
L’idée est née dans une friperie à Brooklyn (Etats-Unis). Ma sœur habite à New York, et en décembre 2014, j’ai décidé de passer la période des fêtes chez elle. Sauf que pour la soirée du 31, il y avait un dress code ! Il fallait arriver avec le ugly sweater (littéralement pull moche), le plus original possible. Le voyage m’ayant déjà coûté suffisamment cher, j’ai décidé d’aller dans l’une des nombreuses friperies qui pullulent à Williamsburg, le quartier où habite ma sœur.
Et là, j’ai trouvé la perle rare ! Sauf que pour une fringue d’occaze, ce pull demeurait excessivement cher. J’ai donc naturellement demandé à une vendeuse s’il était possible de faire baisser le prix si j’apportais des vêtements à moi, qu’elle pourrait ensuite revendre dans sa friperie. Elle m’a répondu qu’ils ne rachetaient pas les fringues aux particuliers. Sans pour autant me donner de raison valable. J’ai donc fait chauffer ma carte bleue pour ce pull de Noël. Je me suis dit que c’était la dernière fois. C’est là que l’idée de Star Trok est apparue !
5. Quelles sont les forces de la diversité dans la démarche de l'entrepreneuriat?
La question est complexe. La diversité peut être vue sous différents angles dans le cadre de l’entrepreneuriat. Mais si l’on s'attarde sur la dimension de l’économie collaborative, nous pouvons observer que de nouvelles alternatives économiques (à travers l'échange de biens et services) se développent dans la société, ce qui aboutit à des habitudes de consommation auxquelles nous n'avons pas pensé jusque-là. Airbnb a réalisé ce pari dans le domaine de l'immobilier à travers le monde, Bla Bla Car avec les transports et la mobilité… C’est une force de constater que malgré leur diversité, tous les secteurs de dépenses peuvent être envisagés autrement grâce à des initiatives nouvelles.
Star Trok essaie désormais de passer à l’économie collaborative 3.0 grâce à une plateforme innovante. L’objectif consiste à faciliter aux particuliers, l'échange libre et sécurisé de leurs vêtements & accessoires, sans jamais dépenser un seul euro. J’insiste vraiment sur la gratuité du concept qui se veut social et solidaire.
6. Située entre Bordeaux et Toulouse, Limoges est une métropole de plus en plus dynamique, ce qui favorise la multiplication des opportunités et des potentiels : quels sont les avantages que vous pourrez en tirer en tant que fondateur de Star Trok?
Limoges, il faut y avoir vécu pour pouvoir en parler. Si une majorité des Français serait incapable de placer précisément cette ville sur la carte de France et qu’une bonne proportion n’en parlerait que pour le basket et la porcelaine, Limoges est cependant une ville dynamique qui ne connaît pas pour autant les contraintes des plus grandes métropoles.
Pas de bouchons ici ! Et surtout, personne ne se tire dans les pattes (rire).
Les projets et les potentiels se multiplient et chacun profite de son expérience ou de son carnet d’adresses pour tout partager avec autres. Il est donc facile de se créer un réseau professionnel solide en Haute-Vienne, et tout se déroule dans une ambiance détendue. Ainsi, développer Star Trok à Limoges fut une expérience extrêmement boostante !
7. Quels sont vos projets chez Star Trok à court moyen et long terme?
Aujourd’hui, nous sommes tous bénévoles sur Star Trok et tous les quatre, vivons grâce à des activités annexes. Nous avons pu voir en le testant sur Limoges, que le projet avait du potentiel et nous aimerions pouvoir le démocratiser partout en France. À ce jour, les trokeurs éloignés de nous sont fidèles, mais encore trop peu nombreux. Si les fonds que nous avons obtenus grâce à une campagne de financement participatif nous ont permis de faire parler de nous ici, il nous en faudrait cependant bien plus pour établir des campagnes de communication et de nouvelles fonctionnalités essentielles pour nous faire connaître à une échelle nationale. Ainsi, à court terme, nous avons prévu de déposer les statuts de la société Star Trok dans l’optique d’obtenir des financements nécessaires pour atteindre nos objectifs. A plus long terme, nous voulons proposer une version qui nous permettrait, au moins à tous les quatre, de vivre grâce à la société Star Trok. Mais quoi qu’il arrivera dans le futur, l’utilisation de Star Trok restera gratuite et sans publicité. Cela fait partie de notre modèle économique, mais aussi de nos valeurs.
8. Que pensez-vous de l'initiative Arcare à travers cette interview ?
Arcare arrive à lier la communication et la mode qui sont des piliers communs à ceux de Star Trok. Le concept s’affiche dans une dimension culturelle et afro-européenne qui s’inscrit complètement dans la diversité entrepreneuriale nécessaire à nos territoires. L’initiative est cohérente, tout comme le fait de donner la parole à d’autres entrepreneurs. C’est en se serrant tous les coudes que la société arrivera à réfléchir et à consommer autrement. Bonne chance à Soumaila pour la suite de son projet.
Bon vent à Guillaume ainsi qu'à son équipe dont nous entendrons surement parler!